Photo : Tobias Tullius / Unaplash

Les services secrets canadiens ont espionné des citoyens sans mandat

Un rapport déposé vendredi à la Chambre des Communes à Ottawa indique que le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) aurait utilisé les données de géolocalisation provenant de téléphones intelligents sans mandat. Cela constitue une infraction à la Charte des droits et libertés.

L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a déposé son premier rapport annuel, couvrant l’année 2019, au Parlement vendredi. Cet organisme surveille les agences de renseignement pour s’assurer qu’elles respectent la loi. Parmi les différents éléments étudiés par celui-ci, on retrouve l’utilisation des nouvelles technologies par les services de renseignement. La collecte massive de données provenant des téléphones cellulaires des citoyens est différente des méthodes traditionnelles de renseignement, comme l’écoute téléphonique, parce que la majorité de l’information recueillie porte sur des citoyens qui ne sont pas visés par une enquête. Or, collecter des informations personnelles sans l’autorisation d’un juge dans le cadre d’une enquête constitue une infraction à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et liberté, qui protège le droit à la vie privée.

L’OSSNR indique donc qu’il est « au courant de situations où la technologie a été utilisée d’une manière qui dépassait les autorisations légales. » Le rapport est sévère à l’endroit des services secrets :

« À quelques reprises au cours des dernières années, le SCRS s’est servi de nouvelles techniques de collecte sans d’abord avoir entièrement compris et évalué leurs implications d’ordre juridique et stratégique. Dans ces cas, les travaux de nature juridique et stratégique n’ont pas été à la hauteur du besoin opérationnel de maintenir et d’améliorer les capacités en matière de collecte. Ces activités ont mis à risque – et même parfois compromis – le caractère licite de l’activité de collecte ainsi que la protection des renseignements personnels des Canadiens. »

Extrait du rapport de l’OSSNR

L’organisme de surveillance s’est notamment intéressé à l’utilisation de données de géolocalisation par le SCRS et a conclu qu’il y avait un risque élevé d’atteinte aux droits de la personne. Il en a averti le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Bill Blair, par une lettre le 16 mars dernier.

Le rapport de l’OSSNR signale aussi le problème du vide juridique entourant les lanceurs d’alerte dans le contexte des organismes de sécurité nationale comme le SCRS. Les lois actuelles manquent de précision sur le processus de divulgation d’actes répréhensibles et sur le rôle des différents organismes dans celui-ci. En 2013, Edward Snowden, un ancien employé de la CIA, avait révélé au monde entier que les services de renseignement américains colligeaient des données à propos de ses citoyens et de citoyens étrangers grâce à sa surveillance d’internet et des téléphones cellulaires. Ce lanceur d’alerte est aujourd’hui toujours en exil et menacé d’être jugé en cours martiale s’il rentre aux États-Unis.


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