Dans la foulée d’une série de dénonciations visant des hauts-placés au sein de l’armée, un ex-policier militaire révèle que les enquêtes internes sont largement bafouées. L’ingérence des supérieurs militaires et l’indulgence des verdicts à l’endroit des accusés lui font dire que l’armée n’est pas apte à rendre justice aux victimes d’inconduites sexuelles dans ses rangs.
De nombreuses enquêtes sur des cas d’agressions sexuelles au sein des Forces armées canadiennes (FAC) ont été entravées par des officiers influents et même par les tribunaux militaires. C’est ce que révèle Jesse Zillman, un ancien enquêteur du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) en entrevue à l’émission The Fifth Estate à la CBC.
En entrevue, il affirme qu’il était courant que les supérieurs des militaires accusés d’inconduite sexuelle tentent d’obtenir de son service de l’information sur l’identité des plaignantes ou sur les accusations. Occasionnellement, les supérieurs de M. Zillman devaient intervenir pour qu’il puisse travailler librement sans compromettre l’indépendance de ses enquêtes.
Les procureurs militaires faisaient aussi pression pour tenter de traiter les cas d’agression sexuelle à l’interne plutôt qu’auprès des autorités civiles. De plus, ils ne défendaient pas adéquatement les victimes et négociaient des accusations réduites avec la défense, accusations qui n’apparaissaient pas dans les casiers judiciaires des agresseurs.
Ces révélations surviennent quelques semaines après des allégations d’inconduite sexuelle à l’endroit du général à la retraite Jonathan Vance, chef d’état-major des FAC jusqu’en janvier 2021. Le général Vance avait lancé l’opération Honneur en 2015, qui visait à permettre aux victimes d’agression et de harcèlement sexuel de porter plainte sans crainte de représailles. En 2018, le général Vance, défendant la réussite de l’opération, avait affirmé que le taux de condamnation pour inconduite sexuelle était de 87% au sein du tribunal militaire, mais ce chiffre représentait plutôt le taux de condamnation pour toutes les infractions confondues. En fait, depuis le début de l’opération, seuls deux militaires accusés d’agressions sexuelles ont été condamnés.
Deux autres hauts gradés des FAC, l’amiral Art McDonald, jusqu’à récemment chef d’état-major, et le vice-amiral Haydn Edmundson, responsable des ressources humaines des FAC, ont aussi été accusés d’inconduite sexuelle dans les dernières semaines. M. Zillman avance que le système de justice militaire n’est pas en mesure de gérer ces problèmes et devrait simplement être aboli.