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Dénonciations d’agressions sexuelles : le système de justice est « inadapté », selon des juristes

La récente décision de la Cour supérieure de révéler l’identité de victimes de violences sexuelles ayant dénoncé leur agresseur risque de renforcer la culture du silence, s’inquiètent des juristes. Le jugement montre les limites du système de justice et rend nécessaires des mécanismes alternatifs.

La Cour supérieure du Québec a jugé que les créatrices de la page Facebook « Dis Son Nom » (DSN)n’ont pas droit à l’anonymat et devront révéler leur identité. Cette décision survient dans le cadre de la poursuite en diffamation intentée contre elles par Jean-François Marquis, qui s’est retrouvé dans une liste de personnes accusées d’agressions sexuelles diffusée sur leur page. La Cour a aussi décidé que les créatrices de DSN devraient fournir à M. Marquis les noms de celles qui l’ont dénoncé, ainsi que les copies de messages échangés entre la page et les dénonciatrices, même pour les cas ne concernant pas M. Marquis.

Ce jugement soulève l’inquiétude de plusieurs juristes, dont celles de l’Association des juristes progressistes (AJP). Il risque en premier lieu de mettre à mal le peu de confiance que les victimes peuvent avoir dans le système de justice, selon l’AJP. La doctorante en droit Suzanne Zaccour, dans une lettre à La Presse, rappelle quant à elle combien il est difficile pour les victimes de violences sexuelles de prendre la parole, de peur de subir des représailles de la part de leur agresseur. Dans ce contexte, la poursuite de M. Marquis et la décision prise par la Cour de révéler l’identité des victimes risquent d’en décourager plusieurs de briser le silence à l’avenir.

« On ne peut pas à la fois s’étonner que les violences sexuelles soient les plus sous-dénoncées, et punir les femmes qui tentent de lever le voile. »

Suzanne Zaccour, doctorante en droit, dans une lettre à La Presse

Si l’AJP ne conteste pas directement la validité de la décision rendue par le tribunal, elle considère toutefois que cet événement démontre à quel point le cadre juridique existant est « inadapté » à la réalité du « fléau des violences à caractère sexuel » puisqu’il ne permet pas de bien protéger les victimes et encore moins de leur venir en aide.

Il faut donc mettre en place d’autres mécanismes pour s’attaquer au problème et accompagner les victimes, plaide l’AJP. Des groupes de femmes demandent depuis longtemps la création d’un tribunal spécialisé en violences sexuelles et conjugales, mais le gouvernement caquiste refuse de s’engager clairement à ce sujet.


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