Photo : Alexandra Koch / Pixabay

Tests de CO2 faussés dans plusieurs écoles du Québec : des enseignantes témoignent

Fenêtres grandes ouvertes, absence des élèves, classes choisies sur mesure, directives spéciales en vue des tests : des directions d’école et des Centres de services scolaires font tout pour « réussir » les tests de CO2, même si cela fausse les résultats. Des enseignantes de Montréal, de Québec, de Sherbrooke, de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière ont raconté leurs expériences à Majeur.

Majeur révélait la semaine dernière que des enseignantes de Sherbrooke avaient reçu un courriel de leur direction en vue d’un test de CO2 dans leurs classes : il contenait des consignes visant à éviter un « échec » au test, et laissait donc présager des résultats faussés.

Les tests ont finalement eu lieu dans cette école primaire : selon Charlie*, qui y enseigne, la manière dont les tests ont été menés soulève de sérieuses questions. La machine permettant d’évaluer la qualité de l’air était installée près des fenêtres ouvertes, et au cours du test, les responsables lui ont demandé d’ouvrir aussi la porte « parce qu’on est pas loin du 2000 [parties par million]». Au-delà de cette concentration en CO2, des mesures d’ajustement doivent être instaurées de manière urgente afin d’aérer mieux et de prévenir la contagion.

Cette histoire ressemble à celles de plusieurs autres enseignantes de diverses régions du Québec, qui ont contacté Majeur pour faire part de leur expérience

Consignes spéciales

Anne-Laurence*, une enseignante au primaire, elle aussi dans la région de Sherbrooke, a reçu par courriel des consignes pour l’aération régulière, mais la direction de l’école lui a aussi dit que ces mesures pourraient être relâchées une fois les tests réussis.

« À l’oral, notre directrice nous a dit que nous devions appliquer ces mesures jusqu’à ce que les inspecteurs soient venus, et qu’ensuite nous pourrions arrêter. »

Anne-Laurence*, enseignante au primaire à Sherbrooke

Fenêtres grandes ouvertes

Les tests eux-mêmes sont souvent effectués de manière à obtenir des résultats optimaux, plutôt que des résultats qui rendent compte des conditions normales. Dans certains cas, on ne prend les mesures qu’après une longue période d’aération. « Les personnes qui sont venues faire le test sont passées pour nous demander d’ouvrir toutes les fenêtres et la porte, et sont repassées 20 minutes plus tard pour faire le test », rapporte par exemple Stéphanie*, une enseignante d’une école primaire de Lanaudière.

Dans d’autres cas, des tests sont faits avant et après l’ouverture des fenêtres, mais ce qu’on demande aux enseignantes n’a rien à voir avec l’aération mise en place d’ordinaire. Louise*, qui enseigne au secondaire dans les Basses-Laurentides, explique que pour sa dernière mesure, la personne responsable du test lui a demandé de bien ouvrir toutes les fenêtres de sa classe, « les cinq grandes d’en avant et la petite sur le côté. Il a pris sa dernière mesure après que les fenêtres aient été ouvertes. Quand il est reparti, j’ai tout refermé, ce serait impossible d’enseigner avec les fenêtres ouvertes comme ça, on gelait! » s’exclame-t-elle.

Une histoire similaire est rapportée par Andrée*, enseignante au primaire en Montérégie. Elle explique que la personne venue faire le test lui a demandé d’ouvrir toute grande sa fenêtre, pour 20 minutes, avant de prendre une deuxième mesure. En temps normal, cette fenêtre ne devrait être ouverte que de cinq centimètres.

« Des conditions très très favorables »

Des tests sont aussi effectués en l’absence des élèves, ou très peu de temps après leur entrée en classe. Lydia*, enseignante au primaire à Montréal, raconte : « Ils sont venus tester l’air après quinze minutes de ventilation, fenêtres ouvertes, sans élèves. Le test en présence [des] élèves s’est effectué cinq minutes après leur arrivée. »

Andrée*, de même que Mélissa*, qui enseigne au primaire à Québec, rapportent aussi que les mesures ont été prises tôt le matin, seulement quelques minutes après l’entrée des élèves en classe. Or, les enseignantes et les élèves peuvent parfois passer jusqu’à deux heures dans leur local avant de pouvoir aérer en grand et renouveler l’air, en profitant des récréations pour ouvrir les fenêtres, par exemple.

« Les mesures sont prises dans des conditions très très favorables, mais on ne respire pas toujours dans les conditions les plus favorables. »

Andrée* , enseignante au primaire en Montérégie

Classes choisies sur mesure

Les classes à évaluer sont parfois choisies de manière à obtenir les meilleurs résultats. Andrée* rapporte que dans son école, seules les classes dotées de fenêtres ont été testées. « Ils ont fait les tests dans les seules classes qui avaient deux murs de fenêtres », raconte quant à elle Lydia*, précisant que ce n’est pas représentatif de la majorité des classes de son établissement.

Manque de transparence

Malgré l’inquiétude que soulèvent chez elles ces événements, plusieurs des enseignantes disent être tenues dans le noir complet quand aux résultats des tests faits dans leurs classes. Trois semaines après les évaluations, Andrée* n’a eu aucune information de la part du Centre de services scolaire ni de la direction.

« On ne nous dit rien, il ne faut pas poser de questions. La direction nous a dit : “Je ne me mêle pas de ça, si vous n’êtes pas contentes, parlez à votre syndicat!” C’est ce que j’ai fait. »

Andrée*, enseignante au primaire en Montérégie

* Les noms ont été changés afin de préserver l’anonymat des témoins.


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